Léonard de Vinci

samedi 7 mars 2009

LA RENAISSANCE (4) CHAPITRE 9 : LES PEINTRES DE LA RENAISSANCE CLASSIQUE

CHAPITRE 9 LES PEINTRES DE LA RENAISSANCE CLASSIQUE (XIV-XV°S)
Jacques ROUVEYROL

I . FLORENCE

1. Masaccio (1401-1428)

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Le Christ, de l'index, transfère l'action à Saint Pierre. Il s'agit de payer le tribut (ce que Pierre fait à droite). Mais où trouver l'argent ? Pierre le retire de la gueule du poisson, à gauche. Jésus aurait pu, directement, "sortir de sa manche" la somme nécessaire (ce qu'il fait en la plaçant miraculeusement dans la gueule du poisson). Mais, en désignant Pierre, il désigne l'homme comme sujet de l'action. Et c'est là qu'on sort de la pensée médiévale. L'homme accède au statut de sujet de l'action. C'est cela qui va constituer le coeur de la pensée renaissante.

2. Donatello (1386 – 1466)

................................................................. Le Banquet d’Hérode

Perspective parfaite cette scène de Banquet. Mais aussi retour à l'antiquité. Le David, ci-dessous est la première statue de nu grandeur nature depuis la Rome antique et le Guattamelata, la première statue équestre depuis l'antiquité.



3. Andrea del Castagno (1420-1457)




............................................................................ La Cène


Cette Cène prend place dans une "cube" parfait, comme sur une scène de théâtre. Nous sommes ici sur terre et quelque chose se joue. Quelque chose d'essentiel : la fondation d'une religion. Car c'est dans la Cène, au moment de l'eucharistie que se trouve fondée la religion chrétienne : le passage de la foi à la religion. En témoigne le groupe central constitué de Jésus, Jean, Pierre et Judas (à l'instar de la Cène de Léonard de Vinci). La religion n’est pas la foi mais l’attestation de la foi par un certain nombre de signes extérieurs. Le plus important, dans la religion chrétienne étant l’Eucharistie. Il faut un groupe, une communauté de croyants pour adhérer à ces signes. Or, une communauté ne se constitue que sur l’exclusion de ceux qui n’y adhèrent pas. Il fallait que Judas soit exclu pour que l’Eglise, la communauté des chrétiens soit fondée (Pierre et Jean sont à eux deux, cela ne pouvait se faire à moins, le symbole de cette communauté).

En même temps, ce n'est pas pour rien que la Cène est un thème récurrent de la peinture renaissante. S'il est vrai qu'on la trouve souvent (ce à quoi on pouvait s'attendre) au mur du réfectoire des monastères, elle est surtout le moment du passage de la divinité à l'humanité. Là encore, l'homme vient au centre de l'action. A lui de prolonger l'action divine. Nous sommes bien entrés dans l'ère de l'homme sujet.

4. Paolo Uccello (1397-1475)

............................................................ La profanation de l’hostie

Dans ce fragment d'un long panneau, la perspective est parfaitement« respectée » plan par plan, mais non sur l’ensemble présenté comme une succession de « scènes » (de théâtre). Et c'est bien cela la vision humaniste de la Renaissance : le monde n'est plus la matérialisation de la Pensée de Dieu, mais, comme l' "imaginaient" les stoïciens, un théâtresur lequel l'homme a à jouer un rôle.

5. Filippo Lippi (1406-1469)

........................................................... Le banquet d’Hérode

Dans ce Banquet, l'espace est unifié par la représentation perspective. Mais le temps reste discontinu : au centre, la danse de Salomé, à gauche la décollation de Saint Jean-Baptiste et à droite la présentation de la tête du saint sur un plateau.

6. Ghirlandaio (1449-1494)


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Cette oeuvre manifeste que la perspective n'est pas le seul moyen imaginé par la Renaissance pour figurer la profondeur. L'étalement des plans, comme le décor sur la scène de théâtre (il n'est jamais bien loin, le théâtre) permet de donner l'illusion, comme la veduta du Grand Père et son Petit Fils du Louvre, du même auteur.

7. Botticelli (1444-1510)


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Aux thèmes chrétiens qui ont encore largement cours, la Renaissance adjoint les thèmes de la mythologie grecque et latine. Ces dieux et ces déesses ont des proccupations singulièrement plus "humaines" que celle des saints et des saintes de la martyrologie chrétienne. Escalader l'Olympe c'est descendre sur terre. Là où se trouve le nouveau sujet de la représentation : l'homme.

8. Léonard de Vinci (1452 – 1519)


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C'est à sa vision de l'espace qu'il faut se référer pour comprendre l'importance des grandes découvertes de Léonard de Vinci peintre. L’espace n’est pas pour lui un réceptacle des corps, abstrait, géométrique. Il est un lieu, mieux, un milieu fluide duquel émergent des formes qui s’individuent, se « diluent » et laissent place à la formation d’autres corps. Conséquence : l’invention du sfumato.

Ainsi, l’ombre : 1) Fait surgir la figure en avant du fond, 2) Exprime la continuité de la figure et du fond, 3) enfin, "manifeste" le mouvement-même par lequel la forme jaillit du fond, le corps, du milieu dont il n’est qu’une modification temporaire. Il y a quelque chose d'aristotélicien dans cette vision des choses. Pour Aristote, la Forme est enfermée dans la matière (latente). Au sculpteur de la dégager. Ainsi Léonard extirpe-t-il les corps d'un espace perçu comme milieu.

La figure émerge à proprement parler de son environnement. Elle est une déformation (formation) plastique de cet environnement. Elle ne saurait, du coup, se découper sur le fond, s'en détacher. Elle y "tient", car elle est de même nature (matière) que lui. Seul le mouvement lui a donné naissance. L’essentiel ne réside donc pas dans ce qu’on voit, mais dans l’invisible passage de ce qu’on ne voit pas à ce qu’on voit. C'est là que le sfumato a sa place. La forme, une fois inventée doit s’effacer pour montrer son origine : elle appartient au « milieu » dont elle est née.

II. ROME

1. Piero della Francesca (1410/20-1492)


….                                              . La flagellation du Christ

La géométrie rigoureuse utilisée par Piero della Francesca dans ce tableau semble se trouver mise au service d'une identification. A gauche, au loin, le Christ attaché à la colonne et flagellé, moment de la Passion qui va le conduire à la mort. A droite, au premier plan, un jeune homme que la "scénographie" du tableau désigne comme étant le duc d'Urbin. Pourquoi ? La position éloignée du Christ a de quoi surprendre. Mais, observons : le Christ et le jeune homme se trouvent exactement à égale distance de part et d'autre de la colonne centrale: symétriques, en miroir (comme si l'un, donc, était l'image de l'autre). La position du corps, en particulier des bras est identique chez les deux personnages. La coiffe du voisin du jeune homme et celle de l'homme qui tourne le dos, côté Christ, se répondent. De même le crâne rasé de droite avec le bonnet du flagellant. Or, le duc d'Urbin est assassiné en 1444, comme le Christ un peu plus de 1400 ans plus tôt.

Le symbolisme demeure. Ce symbolisme caché qui se développe au XV° siècle dans le Nord.

2. Perugino (1448-1523)

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                                                          Remise des clés à Saint Pierre

On l'a vu (7eme cours), la place publique, objet de la perspective, est le lieu de l'historia. De même que la Cène est le moment du passage du divin à l'humain (non au sens de l'Incarnation présente lors de l'Annonciation) avec la fondation de la religion, de même, la remise des Clés à Saint Pierre est un passage au cours duquel Dieu délègue à son Eglise le soin de délivrer son message. Comme dans Le Tribut, plus haut, c'est à l'homme qu'il revient d'être le sujet de l'action.

3. Pinturicchio (1454-1513)

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4. Raphaël (1483-1520)


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Une parfaite harmonie des tons pour cette Sainte Catherine. C'est à cette parfaite harmonie des couleurs, des formes, des sujets et de leur traitement que parvient le "classicisme" de la Renaissance avec Raphaël (voir, chapitre précédent L'Ecole d'Athènes et la "synthèse" à laquelle parvient la Renaissance avec Raphaël).

5. Michel-Ange (1475-1564)

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III VENISE


C'est à la lumière qu'on reconnaît Venise et aussi ses peintres.

1.Mantegna (1431-1506)

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Au plafond, neuf putti plus la main d'un dixième qui apparaît à la corbeille tenant une baguette. Qu'on prolonge ladite baguette et c'est la pièce qui se trouve coupée en deux exactement en diagonale.





D'un côté de cette diagonale, des rideaux (en trompe l'oeil) sont tirés. De l'autre, ils sont ouverts pour découvrir à gauche l'Incontro (la rencontre dite "de Bozollo" du prince Ludovic Gonzague avec ses deux fils ; à droite la Scène de Cour.

2. Bellini (1429-1516)


;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;Femme au Miroir
3. Carpaccio (1455-1525)

Dans ce Miracle de la Croix au Pont du Rialto (1494) l'épisode miraculeux n'est, sur la loggia, à gauche, qu'un détail parmi d'autres bien qu'il soit le sujet et donc l'essentiel du tableau. Le petit chien blanc qui, sur la gondole, fixe le spectateur et qui est très en vogue à l'époque, attire davantage l'attention que la storia proprement dite. Ceci n'est que la traduction picturale d'une conception de l'histoire proprement vénitienne attachée à l'abondance des détails dont la gratuité apparaît comme une garantie d'authenticité du récit (c'est cette façon d'écrire l'histoire qu'on retrouvera au XIX° siècle dans un roman des Goncourt : Manette Salomon). Cette conception de l'histoire sera balayée par la conception humaniste dans les vingt premières années du XVI ° siècle. Dans le Miracle du Nouveau-né (1511) de Titien, par exemple, rien ne vient reléguer au second plan le récit du miracle.



4. Giorgione (1477-1510)


…                                                Vénus endormie (achevée par Titien) 1508-1510 Gemäldegalerie, Dresde 5. Titien (1488/9 - 1576)

Au moyen-âge, on oppose la vertu au vice, le bien au mal, le spirituel au sensuel. A la Renaissance, la vision néo-platonicienne conçoit davantage une gradation du sensuel vers le spirituel, du sensible vers l'Idée.
C'est peut-être ce que met en scène L'amour sacré et l'amour profane (1514) de Giorgione. Comme dans le cas des deux Vénus de Botticelli, l'amour profane est vêtu tandis qu'est nu l'amour céleste.





La Vénus de Giorgione était dans un paysage, celle de Titien dans un intérieur. Curieusement, le rideau de gauche s'achève, à sa droite, non en un pli mais en une droite rigoureuse qui le métamorphose en écran. En outre, Vénus est étendue sur un matelas au "premier plan" à-même le sol ! Et, semble-t-il, dans une pièce qui se situerait à un degré inférieur de celui où se trouvent les autres personnages puisqu'une marche donne accès à la "pièce du fond". Or, aucun palais italien de l'époque n'admet cette architecture au sol et il est invraisemblable que Vénus soit couchée sur un matelas à-même le sol. Qu'est-ce à dire ? Tout simplement ceci : Vénus et le palais où se trouvent les autres femmes ne sont pas dans le même lieu (plan). Il y a le lieu du palais (au fond), le lieu du spectateur (où nous sommes) et ... le plan-même de la toile qui est le lieu de Vénus



Soit. Mais pourquoi cet artifice (qui anticipe sur le "scandale" de l'Olympia de Manet qui donne le jour à l'art moderne ?
La Vénus de Giorgione est un tableau de mariage. De tels tableaux, placés dans la chambre des époux, avaient pour fonction soit de leur rappeler les vertus conjugales : espérance, fidélité, amour, soit de stimuler les ardeurs de la femme ou du mari. En est-il de même du tableau de Titien ?
Le tableau montre bien, au fond, un coffre qui est sans doute un coffre de mariage sous le couvercle duquel est peint en général une femme nue étendue. Mais, il existe aussi des coffres de courtisanes ! Quant au chien figurant sur le bord droit du lit (comme fera le chat noir de l'Olympia), il est symbole de fidélité, certes (voir Les Epoux Arnolfini de Van Eyck), mais tout autant symbole de luxure (voir Danaë et la pluie d'or de Titien).
Mais le point décisif est ailleurs. La composition du tableau assigne au spectateur un lieu précis :
- L'écran dessine une droite qui se porte à la verticale du sexe que Vénus paraît caresser de sa main.
- Le point de fuite de la perspective du carrelage se trouve sur cette verticale, exactement à hauteur de l'oeil de la jeune femme.
- L'horizontale qui part de l'oeil, passe par ce point (de fuite) se trouve également au niveau de l'oeil de la servante agenouillée, de dos, qui regarde dans le coffre. Cet oeil-là est celui du spectateur qui regarde et qui a donc son lieu, contre la toile, au-dessus du sexe de la jeune femme.
Une femme éveillée qui regarde le spectateur, qui se touche et invite à toucher sans qu’on puisse faire autre chose que voir : le principe même de la peinture érotique, inventé par Titien.

6. Tintoret (1518-1594)

Singulière mise en scène que celle de cette toile. Ordinairement, Vulcain, le mari de Vénus, surprend Mars, son amant, dans la même couche. Il invente même un filet à prendre les amants. Rien de tel ici. Mars est caché sous un lit et Vulcain entre sans le voir. Vénus est au miroir. Un miroir dont on ne voit que le reflet sur son corps (alors que d'ordinaire, c'est le reflet de Vénus qui se donne à voir dans le miroir).


Mais le plus singulier est le bouclier, près de la porte qui se comporte comme un miroir, mais un miroir bien étrange puisqu'il ne reflète pas exactement la scène, mais, de même que le bouclier d'Enée (selon Virgile) figurait l'avenir de Rome, de même le bouclier du fond de la pièce montre Vulcain nettement plus avancé dans l'action sexuelle à laquelle il s'apprête, invité par le sexe qu'il découvre et contemple. Pour une fois, c'est Mars qui assistera aux ébats de sa maîtresse avec son époux !




;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;Mars et Vénus découverts par Vulcain
7. Véronèse (1528-1588)




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