Léonard de Vinci

samedi 7 mars 2009

L'ART ROMAN (2) CHAPITRE 2 LA SCULPTURE ROMANE

L'ART ROMAN

CHAPITRE 2. LA SCULPTURE ROMANE.
Jacques ROUVEYROL
1 La couleur :

Elle est partout dans les églises romanes : aux murs, aux sculptures.






2 L’Iconographie :

C’est celle d’une foi « terrifiée » : l’Apocalypse aux tympans.
L'homme du XII°siècle croit. Il croit en un Dieu absolument étranger, transcendant et qui n'a rien de commun avec l'homme. Un Dieu terrible dont la volonté est incompréhensible à l'esprit humain. La figure byzantine du Dieu du tympan de Moissac est faite pour donner cette impression de puissance terrifiante.
Il croit encore que la fin du monde est proche. Qu'elle peut le concerner directement. Que l'Apocalypse est pour demain sinon pour aujourd'hui.
Le Dieu gothique se rapporchera de l'homme. Sa volonté distinguant clairement le bien du mal deviendra compréhensible et à l'Apocalypse se substituera au tympan des églises le Jugement Dernier.
Le Dieu du gothique tardif, aux XIV° et XV° siècles deviendra plus "humain" encore : ce sera le Crucifié. Le Dieu touché par la mort : le Christ de pitié.

3 Les caractéristiques : le rejet du « réalisme ».

La sculpture romane ne s'inspire pas "de la nature". La représentation de l'homme apparaît "déformée". Il faut comprendre les raisons de cette déformation. Elles tiennent essentiellement (cf Focillon) à la soumission de la sculpture au cadre architectural. A la domination de l'architecture sur la sculpture qui ne commencera à se libérer qu'à partir de l'âge gothique pour achever sa libération à la Renaissance.

3.a. Première loi : La soumission au cadre architectural (Facteur architectural).

Le chapiteau, la voussure constituent des cadres formels dans lesquels la sculpture doit entrer et, pour y parvenir, se plier. Ainsi, l'homme trapèze (ci-dessous) doit-il sa forme au claveau dans lequel il s'inscrit.


3.b. Deuxième loi : l’espace-lieu (Facteur métaphysique)

La théorie aristotélicienne, en vigueur au Moyen-Âge ne conçoit pas l’espace comme homogène à la façon d’Euclide mais comme formé de lieux rigoureusement distincts et indépendants les uns des autres. Ce n'est pas indifférent pour un corps de se trouver en bas, en haut, à gauche ou à droite. A preuve le fait que la flamme s'élève puisque le haut est son lieu naturel; le fait que la pierre tombe puisque son lieu naturel est le bas.
Plusieurs conséquences découlent de cette conception :

a. Chaque figure occupe un lieu et l’occupe totalement.
S'ensuivent des déformations qui permettent seules à la figure de combler le lieu qui est le sien.



b. Chaque lieu est indépendant de chaque autre (par son contenu) :
Les chapiteaux du cloître de Moissac s’enchaînent sans aucune logique alors qu'on aurait pu s'attendre, du fait de leur succession, à ce qu'ils racontent une histoire qui, partie de la Genèse, par exemple, pouvait aboutir à la Résurrection.Ce n'est pas le cas. Ils se succèdent dans un pur "désordre" historique.

c. Chaque lieu est dépendant de chaque autre (par sa forme).
En sorte chaque figure doit se plier à la forme de la figure voisine (comme les pierres inégales du mur roman ajustent leurs formes les unes aux autres) et subir ainsi des déformations. Ci-dessous, à Moissac, les figures du Tétramorphe ajustées à la forme du lieu divin et celles des séraphins à la forme des lieux du Tétramorphe.


3.c. Troisième loi : la perspective hiérarchique (Facteur symbolique).

Le Moyen-Âge refuse la perspective linéaire qui sera celle de la Renaissance. C'est qu'il refuse de creuser illusoirement (autant que réellement) le "mur" qui est le vecteur de l'architecture romane. Mais, il n'ignore pas la perspective. Il met en place une perspective hiérarchique : au centre, en haut et au lieu le plus grand, la figure la plus importante (Dieu, par exemple). A droite, en haut ce qui par ordre d'importance vient juste après, par exemple l'évangéliste le plus proche du divin : Saint Jean (l'aigle : celui qui regarde le soleil en face). A gauche, en haut : Saint Mathieu (l'ange) celui auquel l'ange lui-même a dicté son Evangile. A droite, mais en bas : Saint Marc (le lion) qui représente la Résurrection du Christ. A gauche, en bas : Saint Luc (le boeuf, l'animal du sacrifice) qui figure la Crucifixion. En bas, le moins "noble" : les vieillards de l'Apocalypse.



3.d. Quatrième loi (1) : la soumission à la trame (Facteur plastique).
Le chapiteau roman est hérité du corinthien : les figures qui y seront sculptées reproduiront la forme sous-jacente, la trame de ce type de chapiteau : rosette, double niveau de feuilles d'acanthe et crochets. S'en suivront la déformation des figures destinées à les plier à cette trame.



3.e. Quatrième loi (2) : la soumission à la trame ornementale (Facteur plastique) :
Symétrie ou métamorphose.
Des exigences géométriques, dues à la trame corinthienne : la symétrie, en particulier, engendrent en outre de nouvelles déformations, mais surtout des figures hybrides surgies de métamorphoses.



Il y a là en outre les conséquences d'une conception particulière de la Nature. Dieu a créé le monde, a donné forme aux êtres qui le peuplent, mais l'infinité de sa puissance n'est pas résumable aux êtres familiers. La Nature est elle-même l'expression de la puissance divine et ne cesse de créer de nouvelles formes. Ce n'est certes pas le darwinisme ou le lamarckisme du XIX° siècle, car il n'y a pas au XII° d'idée d'évolution ou d'adaptation. La Nature ne crée pas pour mieux faire, elle crée parce qu'elle est une puissance active. Dès lors, aux bordures des pages manuscrites et aux murs des églises ce sont des enchaînements "monstrueux" de créatures qui se dévorent entre elles ou qui se changent les unes dans les autres en d'incessantes métamorphoses.

4. Les ornements.
Là, point de déformation. Spécialement au tailloir des chapiteaux ou aux voussures des tympans, des figures géométriques dont il n'est pas indifférent de noter que les entrelacs (formes géométriques des enchaînements monstrueux dont on vient de parler) constituent sans doute le dessin le plus fréquent.


5. La tradition.

A l'opposé de ce qui semble caractériser l'art contemporain, ce n'est pas vers l'invention, mais plutôt vers la tradition que se tourne le sculpteur roman. Il s'agit bien pour lui de transmettre. C'est qu'au Moyen-Âge, tout est déjà donné. La totalité du savoir est déjà révélée. Il ne s'agit, pour les Pères de l'Eglise que de l'expliciter et, pour les artistes, de le transmettre. Dans les monastère, on recopie les manuscrits. Au murs des églises, on recopie aussi les manuscrits.
Mais le sculpteur ne se borne pas à reproduire. Il s'imprègne du modèle et l'adapte de mémoire à la pierre. Le tympan de Moissac pourrait bien venir du manuscrit : l'Apocalypse de Saint-Sever. Le drame liturgique sert également d'inspiration.

6. La peinture.

Elle présente des caractères analogues à ceux de la sculpture.

6.a. La peinture murale

a. « Muralité »
La représentation doit refuser toute illusion de profondeur. C'est le mur qui doit être mis en valeur. Tout sera donc sur le même plan : le "premier".

b. Soumission au cadre.
La peinture devra soumettre ses figures aux mêmes exigences que les figures sculptées, avec toutes les déformations qui en découlent.

c. Soumission à la trame (géométrique).
Exactement comme pour la sculpture.

6.b. Les manuscrits.

a. « Muralité »
Le ton pierre est fréquent dans le choix du papier sur lequel on écrit et enlumine. Toute perspective qui donnerait l'illusion de la profondeur est évidemment bannie (encore que ce soit, mais surtout au XV° siècle, dans ces enluminures, que les premières tentatives de perspective linéaire, trouvent à apparaître).

b. Soumission au cadre.
Là encore (voyez les "majuscules") les figures ont à se plier à "l'architecture" de la lettre, de la page ou de la marge.




7 commentaires:

  1. Je trouve votre cours excellent!

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  2. tros difficile, mais bien!

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  3. tous n'est pas juste :(

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  4. L'art roman n'est pas si reducteur!!

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    1. C'est déjà une première approche qui n'est pas si mal. A chacun d'approfondir s'il le souhaite.

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  5. Merci pour votre générosité en nous partageant toutes ces connaissances de manière très pédagogique et éclairante

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  6. Très bonne synthèse merci

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