Léonard de Vinci

samedi 7 mars 2009

L'ART GOTHIQUE (4) CHAPITRE 5.1 LE GOTHIQUE INTERNATIONAL CHAPITRE 5.2 LA RENAISSANCE DANS LE NORD

L'ART GOTHIQUE
CHAPITRE 5.1 LE GOTHIQUE INTERNATIONAL
Jacques ROUVEYROL

I . ARCHITECTURE

Deux styles se partagent la deuxième moitié du XIV° et le XV° siècles :
Le style perpendiculaire (en Angleterre). La voûte en éventail.


Le style flamboyant (dans le reste de l’Europe).


Ici et là, deux styles qu'on a pu dire "baroques" ou "maniéristes", de façon anachronique puisque le baroque est du XVII° et le maniérisme du XVI°. Derrière ces deux étiquettes, l'idée d'une décadence. Comme si le gothique classique représentait une apogée, la "pureté" du gothique.
Vu de notre époque, marquée par le fonctionnalisme de Le Corbusier et de ses successeurs, il est certain que le gothique classique qui évacue tout le superflu pour ne laisser apparaître que le nécessaire de la construction, représente un moment clé de l' architecture proprement dite, alors que le "perpendiculaire" et le "flamboyant" sont des moments de la décoration. Rien n'autorise cependant à porter des jugements de valeur dès lors qu'on ne conçoit pas l'histoire, à la façon du XIXème : (Hegel, Marx) comme une progression (avec ses arrêts et retours en arrière) vers un un idéal ou une quelconque perfection.


On remarquera encore que, si la sculpture tend à se libérer du joug de l'architecture dans lequel elle se trouvait prise en particulier à l'époque romane, elle n'en reste pas moins en harmonie avec celle-ci. Au raffinement des courbes, à la préciosité des colonnettes vont répondre le raffinement et la préciosité de la sculpture et de la peinture des XIV° et XV° siècles.

II. SCULPTURE, PEINTURE : LA FORME

1 . Raffinement et préciosité



Les objets sont de petite taille. Transportables. Faits d'ivoire et de matières précieuses (or, argent, nacre, corne noire), ciselés dans le plus petit détail et emprunts de cette grâce qui sera caractéristique, en effet, du maniérisme au XVI° siècle. Statuettes, petits diptyques ou triptyques, etc. au service de la dévotion individuelle.

2. Recherche de la profondeur dans le refus du réalisme : l’enluminure.
La peinture est d'abord dans les enluminures de manuscrits. C'est là que s'effectue la "recherche", qu'on rencontre les innovations.
Le détachement à l'égard de l'architecture autorise ce que le XIIème siècle interdisait : le creusement du mur (disparu dans l'architecture gothique) : la perspective. Plusieurs formules sont expérimentées.

a. La perspective atmosphérique
Un "au loin" apparaît à travers un éclaircissement du ciel près de la ligne d'horizon. Certes, rien n'est là "réaliste". Les rayons du soleils sont clairement matérialisés comme "rayons". Le paysage reste distinct quelque éloigné qu'il puisse être au lieu de se fondre doucement dans le ciel. Mais il y a deux plans : l'un proche, l'autre lointain.


b. Le Diaphragme

Autre moyen de figurer la profondeur : l'ajout d'un diaphragme devant la scène. Dans l'exemple ci-dessous, deux colonnettes et une poutre transversale encadrent le lieu où se déroule la scène. Elles nous placent devant et crée de la sorte un arrière.
Le procédé du diaphragme perfectionne deux autres procédés dont le premier est plus artificiel, le second plus symbolique. Le premier consiste à "ôter" le mur qui occulte la scène se passant à l'intérieur d'un bâtiment on nomme cette façon de faire : intérieur explicite). Le second à carreler le sol de façon à ce qu'il soit clair que, bien que la scène paraisse se situer au-dehors, elle se déroule en réalité au-dedans (on nomme cette façon de faire : intérieur implicite).



3. Quand le naturalisme apparaît, c’est sous une forme "maniériste" non réaliste. Ex. Les frères de Limbourg Les Très riches Heures du Duc de Berry.





Certes, on voit apparaître dans ce Calendrier le premier paysage enneigé, les premières ombres portées, toutes choses qui laissaient indifférents les enlumineurs des époques précédentes soucieux, certes, de rendre compte de l'activité humaine laborieuse (travaux des mois), mais dans une optique moralisatrice (les vertus liées au travail) et religieuse (les fruits de la nature sont des dons de Dieu). Si le Calendrier des Frères de Limbourg montre encore le travail des champs et de la vigne, la recherche des glands et du bois pour se chauffer, il le fait sur fond de "matière précieuse" : chaque tableau porte en fond un château du Duc et une grande partie des scènes sont des scènes de Cour, parfaitement profanes et destinées à mettre en valeur la noblesse à travers la richesse et particulièrement l'élégance de ses parures.

3. Le retable.

Mais la peinture ne se limite pas à l'enluminure. Le XV° siècle voit se développer le retable et, dans le nord (Belgique, Pays-Bas) la peinture au détriment de la sculpture. L'un des plus célèbres est des frères van Eyck et se trouve à la cathédrale Saint-Bavon à Gand : c'est le Retable de l'Agneau Mystique. (ci-dessous, fermé puis ouvert)





II. SCULPTURE, PEINTURE : LE CONTENU

1. La mélancolie

Le XII° siècle était l’âge de la foi. La croyance en un Dieu totalement étranger et terrifiant . Le XIII° est l’âge de la piété. La croyance en un Dieu sévère (Juge et Père) mais compréhensif. Les XIV° et XV° siècles sont les siècles de la dévotion. La croyance en un Dieu humain, trop humain, mort pour les hommes, un Dieu de pitié. Plusieurs thèmes en découlent :

a. La mort.
La mort, toujours présente, devient un thème obsédant. Il faut se souvenir qu'entre 1347 et 1350 c'est la moitié de la population européenne (soit 25 millions de personnes) qui est décimée par la peste noire. En France, elle fait encore des ravages entre 1353 et 1355. C'est une menace qui pèse sur les esprits.
-La mort fait l'objet de nombreuses enluminures.
-Le « dit des trois morts et des trois vifs » qui narre la rencontre de trois jeunes gens avec leurs propres cadavres, avertissement que la mort est toujours présente, est dans toutes les mémoires.
- La « danse macabre » fait son apparition
- Dans l'art funéraire, au gisant succède le transi. Le défunt n'est plus représenté sans les stigmates de la mort. Des tombes à deux niveaux apparaissent à la fin du XIV° siècle. Dans la partie haute, la part spirituelle, immortelle du défunt. Dans la partie basse, sa part corporelle, mortelle.


- Ou les pleurants (Ci-dessous, le Tombeau de Philippe Pot, provenant de l'Abbaye de Cîteaux).

b. La crucifixion.
- A l’époque byzantine puis romane, c’est un Christ triomphant (de la mort) qui est sur la croix - A l’époque gothique classique, la Crucifixion a une valeur dogmatique, pédagogique- Au XIV° siècle, l’idée de triomphe a disparu mais le traitement reste précieux et maniériste.- Au XV° siècle, c’est un Christ souffrant, accablé qui est représenté.

c. Les figures du Christ souffrant.

On confond souvent deux figures : celle du Christ de Pitié et celle de l'Homme de douleur. Cette dernière est une invention du XV° siècle.

- Le Christ de pitié est mort, à-demi sorti de sa tombe, soutenu ou non par des anges, il montre ses plaies.


- L’Homme de douleur est vivant, encore. C' est le Christ au calvaire attendant d’être crucifié.


On est loin, ici, du Dieu terrible de l'Apocalypse du tympan de Moissac. Du Juge suprême des tympans gothiques classiques. C'est l'ecce homo, celui qui dans son humanité a souffert tout ce qu'il était possible de souffrir. Et qui est mort comme meurt chaque homme. Un Dieu proche, humain, trop humain.
De l’âge roman à la fin du XVème on semble donc assister au déclin d’un Dieu, à sa « dé-divinisation » qui conduit à la fin de la culture médiévale qui va pourtant se prolonger, d’une certaine manière dans le Nord.





CHAPITRE 5.2. LA RENAISSANCE DANS LE NORD, XV°S (OU LES PRIMITIFS FLAMANDS)

I. LES CODES
Le symbolisme, évident dans la représentation médiévale, se cache dans la Renaissance nordique. Tout demande à être interprété.

Ainsi : une fenêtre romane signifiera l’Ancien Testament ou Les temps anciens ou le Temps d’avant le temps : l’éternité du Royaume de Dieu. Une fenêtre gothique désignera le Nouveau Testament ou le temps actuel. Une fenêtre n'est donc jamais une fenêtre, mais un signe. Là encore, il faut savoir lire. Toute la difficulté vient de ce que ce symbolisme est caché.

II. LE MONDE COMME ALLEGORIE.

La difficulté, dans une œuvre, c’est de savoir si tel ou tel objet ou élément du décor est un symbole VOULU par le peintre ou inventé par le commentateur. Dans le symbolisme non complètement cohérent des premiers temps (Le Maître de Flémalle, par exemple : Retable de Mérode) le problème se pose en effet. Il ne se pose plus ensuite avec des maîtres comme Jan (ou Hubert) Van Eyck. L’interprétation des symboles de La Vierge au Chancelier Rolin, par exemple (ci-dessous), fait apparaître que le portrait du Chancelier n’est pas celui d’un donateur, comme on pourrait d’abord le penser, mais l’âme de celui-ci (mort par conséquent) mis en présence de la Vierge dans la Cité de Dieu. En effet, où se trouve-t-on ? La vue est nette du premier plan à l'infini. Ce n'est pas celle d'un regard humain. Seul le regard de Dieu peut ainsi saisir la totalité du visible. Nous sommes donc dans la Cité de Dieu, non sur terre et le tableau ne représente pas la Vierge en Majesté avec portrait du donateur comme c'est souvent le cas.
Les trois arcs en plein cintre sont trois et romans. Trois : la trinité. Roman : les temps anciens, voire le temps d'avant le temps, l'éternité. Le Chancelier est donc mort et reçu en Paradis par la Vierge. Symbolisme caché sous l'apparence d'une scène immédiatement visible d'une autre manière Vierge en Majesté avec donateur).


Le personnage de la Vierge dans La Vierge dans une Eglise (aussi de Jan van Eyck, ci-dessous) n’est pas la Vierge ni l’église une église, mais l’Eglise dans un édicule qui est, lui-même, l’Idée de l’Eglise. Ce que seule une interprétation symbolique de l’œuvre fait apparaître.

La Vierge est en effet trop grande par rapport à l'édifice. Mais tout-à-fait dans les proportions de la classique Eglise dans un édicule. L'église elle-même n'est pas une église. La lumière vient du nord (étant donnée l'orientation ordinaire de ce type d'édifice). Elle est donc autre chose. Quoi ? Etant donnée la disproportion de la Vierge, elle est l'édicule dans lequel est figurée l'Eglise.


De même, ce ne sont pas les époux Arnolfini à la veille de leur nuit de noces simplement que Van Eyck représente (ci-dessous), mais le tableau EST un certificat de mariage délivré par le peintre. Cela, seule l’interprétation de tous les symboles de l’œuvre permet de l’établir sans conteste.
Dans le miroir du fond ne se reflètent pas seulement les époux, mais (à la place que nous occupons comme spectateurs du tableau) le peintre lui-même et un autre personnage : témoins du mariage. La signature n'est pas le traditionnel "Johanes van Eyck fecit" (Jan van Eyck l'a fait, ce tableau) mais "Johanes van Eyck fuit hic" (Jan van Eyck fut ici). L'ensemble des autres signes et symboles confirme.


III. L’ARS NOVA

1. L'Ars Nova, c'est une nouvelle manière de peindre qui voit le jour dans le Nord au XV°s.
2. La palette de couleurs s'élargit.
3. On utilise une peinture à l'huile, plus lumineuse, d'une intensité chromatique plus grande et plus proche du réel.
4. On parvient à donner une illusion de réalité au tableau. Mais une illusion qui ne trompe pas puisqu'elle se donne comme telle et comme à déchiffrer.

IV. VERS LA FIN DU SYMBOLISME

Les successeurs de Van Eyck (Rogier Van der Weyden, Petrus Christus, Dirk Bouts, Hugo van der Goes, Hans Memling, et les autres) vont peu à peu renoncer au symbolisme. C’est le Moyen-Âge qui s’achève. Le monde cesse d’être l’Ecriture du Créateur que l’artiste avait à déchiffrer. Il commence à s’affirmer dans son autonomie comme un « objet » (un ob-jet) dont la science va avoir à s’emparer et qui aura besoin, pour être représenté, de nouvelles méthodes, de nouveaux dispositifs que la Renaissance italienne est déjà, aux XIV° et XV° siècles, en train de mettre au point de son côté.




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1 commentaire:

  1. L'ART GOTHIQUE (4) CHAPITRE 5.1 LE GOTHIQUE INTERNATIONAL CHAPITRE 5.2 LA RENAISSANCE DANS LE NORD ---- > Ce lien est mort : https://hotfile.com/dl/178303845/a52bbcf/08_Le_Gothique_International_.rar.html ; pouvez-vous le réactiver s'il vous plaît ?

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