Léonard de Vinci

samedi 7 mars 2009

LE XIX°S : CHAPITRE 28 : LE NATURALISME ET LE REALISME

CHAPITRE 28 LE NATURALISME & CHAPITRE 29 LE REALISME
Jacques ROUVEYROL
CHAPITRE 28 LE NATURALISME ET LE REALISME

I. LE NATURALISME : LES PRECURSEURS

1. John CONSTABLE 1767 – 1837

a. Constable opère une révolution dans la peinture de paysage: il peint d’après nature. Dans le paysage classique ou néoclassique, le paysage n’est que le décor d’une pièce jouée par un héros humain (même quand cette pièce ne comporte pas d’action héroïque proprement dite).
Ci-dessous : Poussin Diogène jetant son écuelle 1648 Musée du Louvre, Paris



Dans le paysage romantique la Nature se trouve elle-même héroïsée, et l’homme n’y apparaît plus que comme un accessoire: il se borne à donner l’échelle. Ci-dessous : Hubert Robert Le Pont du Gard 1857 Musée du Louvre, Paris



Dans le paysage naturaliste, l’homme et la Nature vivent en harmonie, sans que l’un prédomine. Ainsi dans ce tableau de Constable : Le Cheval blanc 1819 New-York, The Frick Collection



b. Constable ne s’intéresse pas à la surface des choses. Il en saisit la substance-même. Ce n’est pas la mer, la terre, le ciel qui lui parlent, c’est l’élément air, eau, terre.
c. Le souci de rendre une vérité observée in situ conduit Constable à réaliser de nombreuses études d’après nature (en particulier des études de nuages).



d. Le peintre des verts. Formellement, c’est la richesse étonnante de la palette des verts. On dirait que Constable a réussi à recréer l’infini variété des verts offerts à l’œil par la nature.

2. Jean-Baptiste Camille COROT 1796 - 1875

a. Corot n’est pas un peintre naturaliste. Son objectif, c’est le paysage historique. C’est en atelier qu’il réalise ses œuvres finies. Ainsi de Agar dans le désert 1835 New-York, Metropolitan Museum of Art.



b. Mais Corot a été marqué par la découverte de Constable au Salon de 1824. L’enseignement de Michallon, son premier maître (dès 1822), comporte l’étude de la nature, le travail en plein air.

c. Le sujet de Corot, c’est l’arbre. Mais un arbre qui n’appartient pas à la terre, qui est une partie du ciel, de la lumière.


Et cette étude de la Nature sur le vif, Corot la conçoit comme un apprentissage sinon de la vérité, du moins de l’exactitude.« J’ai fait mon premier paysage d’après nature à Arcueil sous l’œil de ce peintre (Michallon) qui me donna pour unique conseil de rendre avec le plus grand scrupule tout ce que je verrais devant moi. La leçon m’a servi; j’ai toujours eu depuis l’amour de l’exactitude » Camille Corot


II. LE NATURALISME : L’ECOLE DE BARBIZON

1. La première génération.

Théodore Rousseau s’installe en 1846 définitivement à Barbizon près de la forêt de Fontainebleau. Les peintres qui vont le rejoindre formeront ensemble l’Ecole de Barbizon.

a. L’arbre
Les hollandais peignaient le ciel, les romantiques la puissance, les forces de la nature. Les naturalistes français vont peindre la terre. Comment peindre la terre ? Un être s ’y enracine profondément, en tire sa subsistance et manifeste son origine, la terre, jusqu’au ciel : l’arbre. L’arbre est le héros par excellence de la peinture naturaliste. Cet arbre est énergie. (Ci-dessous Groupe de chênes Apremont de Théodore Rousseau)



b. La vache
La vache est le second héros naturaliste. L’animal regardé comme le plus proche de la terre. Mais d'une proximité qui n'implique aucune gravité. La vache ne pèse pas. Elle n'est pas "comprimée" vers le bas, comme l'homme dans le paysage romantique, elle est, paradoxalement, légèreté. Comme si elle émanait de la terre (vers le haut).(Ci-dessous Vue prise des Hauteurs de Suresnes par Constant Troyon).


c. Théodore ROUSSEAU 1812 – 1867



d. Jules DUPRE 1811 – 1889




e. Narcisse DIAZ DE LA PENA 1807 - 1876




f. Charles-François DAUBIGNY 1817 - 1878



2. La deuxième génération.

a. Constant TROYON 1813 – 1865
Troyon, c’est le peintre des vaches..


b. Charles JACQUE 1813 - 1894
C’est le peintre des moutons.



c. Jean-François MILLET 1814 – 1875
C’est le peintre des hommes de la terre. (Voir chapitre suivant : Le Réalisme).



Qu'on considère le chemin parcouru depuis le Moyen-Âge, relativement au sujet des œuvres.
L'art d'abord s'est désacralisé. Certes, la nature était présente dans la représentation médiévale, mais à titre de symbole. La "noix de Saint Victor", comme tout autre production naturelle n'étaient que l'expression de la pensée de Dieu. Tout dans le sujet devait être sacré.
L'art, ensuite, s'est séparé du mythe. Le héros mythologique de la Bible, du panthéon grec ou romain a disparu de la peinture, comme le héros historique.
L'art, enfin, s'est coupé de la réalité sociale. La scène de genre chère aux hollandais du XVII° ou aux peintres rococo ou moralisants du XVII° est reléguée aux oubliettes.
C'est l'animal, c'est le végétal, ce sont les éléments, la terre, l'eau, l'air qui sont devenus les héros de la peinture naturaliste. De telles œuvres n'auraient pu voir le jour dans les siècles passés.
L'homme, encore, est pourtant le sujet de tout le pan réaliste de la peinture du XIX°
Il ne faudrait pas confondre le naturalisme avec le réalisme qui va se développer dans le même temps.

a. Les deux courants représentent un retour « sur terre ». A la nature néoclassique, simple décor des actions héroïques qui l’ennoblissent, à la nature romantique qui porte en elle des forces qui surpassent un homme infime qui en reçoit pourtant sa valeur, le naturalisme oppose une nature proche, familière, maternelle, nourricière, en harmonie avec l’homme.

b. Le réalisme du XIX° s s’inscrit dans le naturalisme. Au héros néoclassique à la vertu surhumaine, au héros romantique en proie au génie ou à la folie, le réalisme opposera l’homme « ordinaire », le travailleur, paysan, ouvrier. A la nymphe au corps idéal du classicisme ou de l’éclectisme, il opposera la femme de chair. Au nu académique, la nudité érotique.

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III. LE REALISME

A. LES « REALISMES » ANCIENS

1. A la Renaissance : Le Caravage
On ne peut pas vraiment parler de réalisme à propos du Caravage. D’abord, on a affaire avec une peinture d’atelier. Ensuite, les effets de contraste lumière-obscurité sont déjà baroques.

2. Au XVII° siècle : Les frères LeNain
On ne parlera pas davantage de réalisme avec les frères Le Nain. Le tableau est d’atelier, encore. Les personnages posent, ils ne sont pas saisis dans la réalité de leur travail.



Ce qui fait qu’on dit les frères Le Nain « réalistes », c’est le sujet de leurs compositions : ni l’aristocrate ni le bourgeois ni la peinture d’histoire ni vraiment la scène de genre : le portrait paysan. Ils sont très proches des hollandais de la même époque, à ceci près que ceux-là portraitisent des bourgeois au lieu de paysans.


B. LE REALISME (XIX° siècle)

1. Il s’élabore contre le néoclassicisme idéaliste

2. Il s’élabore contre le romantisme et sa recherche du surhumain

3. Il s’élabore contre l’éclectisme simplement frivole et insignifiant. L’éclectisme est un académisme. Cabanel, Bouguereau, Baudry, Gervex pratiquent une peinture qu’on ne qualifiera sans doute pas mieux, au regard de celle que Courbet va développer parallèlement, que de peinture « impuissante ». (On verra plus loin la ou plutôt « les » justifications de cette qualification). Ainsi de cette Naissance de Vénus de Cabanel qui enchanta pourtant Napoléon le Troisième.


C. GUSTAVE COURBET 1817 – 1879

Le réalisme, c’est Courbet. Et pratiquement lui seul.

1. Premier scandale : L’Enterrement à Ornans. Un tableau aux dimensions d’une peinture d’histoire, utilisant le procédé de la frise, cher à David et aux néoclassiques, mais avec un sujet d’une affligeante trivialité, selon le goût officiel.



Des portraits d’hommes ordinaires (pas de héros) : les habitants d’Ornans. Un mort discret : pas un héros néoclassique ou romantique. On ne voit guère que le trou dans lequel il va reposer.

2. La leçon de L’Atelier du Peintre.

Une « allégorie réelle », selon les termes-même de Courbet.
Tournant le dos au modèle d’atelier il peint la nature « objective ». Le modèle lui-même, d’ailleurs, est peu académique. A gauche, la réalité sociale de la misère : le monde de l’argent. A droite, les amis du peintre, des artistes : le monde de la gratuité. Voilà les vrais « modèles » de l’artiste.
Mais comment faut-il regarder ces « modèles » ? Avec la naïveté d’un enfant. Un regard neuf. Un regard exempt de "modèles", de références.(C’est sans doute le sens des deux enfants présents sur la toile ; l’un au centre regardant le travail du peintre, l’autre à droite, couché sur le sol, dessinant sur une feuille). Et sans l’attirail « littéraire » des romantiques, posé à terre sur la gauche du tableau : chapeau de bandit, couteau, guitare.


3. L’énergie.

Les paysages de Courbet sont naturalistes. Courbet, c’est le Zola de la peinture. Zola, c’est le peintre de la vie. Quelque misère qu’il dépeigne, Zola reste toujours optimiste. La vie, l’emporte à chaque fois. La noirceur de Germinal s’achève sur la germination : le triomphe de la vie. Or la vie, chez Zola, chez Courbet, c’est l’énergie. Le Chêne de Flagey exprime cette énergie. La Vague du Musée d’Orsay exprime cette énergie. Mais aussi les travailleurs, les lutteurs. L’artiste lui-même, dans La Rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet, seul dans la lumière, seul à avoir une ombre ; l’artiste à l’allure conquérante manifeste l’énergie qui l’habite et qui habite la peinture. C'est que le XIX° est le siècle de la machine à vapeur. A l'âge classique (XVII° s) la physique s'intéresse au mouvement des corps. Au XVIII°, elle se penche sur la cause de ce mouvement : la force. A l'âge moderne (XIX° s) elle s'attaque à la cause de cette force : l'énergie. Dans le domaine de la biologie, cette énergie se manifeste dans cet irrésistible courant qu'est la vie. Et c'est la vie que les réalistes, Zola pour la littérature, Courbet pour la peinture, entreprennent de mettre en évidence.



Mais c’est principalement dans le domaine de la libido (on sait que Freud a forgé ce concept pour désigner l’énergie « sexuelle », bien sûr, mais plus largement toute l’énergie qui nous habite, qui nous anime plutôt et qui est « sexuelle » en un sens très large) que Courbet manifeste ce débordement d’énergie qui est la vie-même qu’il entend peindre. Le « cadrage » du seul buste de la Femme nue (1868) et de La Femme à la Vague (1868) condense toute l’énergie dans un détail du corps féminin. Rien de différent dans L’Origine du Monde.




Au nu académique de marbre, Courbet préfère la nudité de la chair. Sa Femme nue couchée (1862) n’est pas nue mais déshabillée (en témoignent les bas qu’elle n’a pas retirés) ; comme sa Femme au Perroquet (1866) au pied du lit de laquelle gît une pièce de sous-vêtement. Chez toutes, la chair est là aussi bien dans ses courbes moins parfaites que celle des Vénus académiques que dans les poils qui occupent les aisselles et le sexe. Aux scènes mythologiques surchargées d’érudition, Courbet préfère des scènes plus intimes et plus chargées d’érotisme. Ainsi dans Le Sommeil (1866) ou dans Vénus poursuivant Psyché de sa Jalousie (1864).Le rococo joue avec le désir (par la suggestion). L’académisme fait glisser le désir sur un corps irréel, l’esthétise (le sublime, en un sens non rigoureusement freudien). Courbet (le réalisme) désire dans la peinture-même le corps qu’il peint.

Le réalisme c’est donc cela : le transport dans la peinture de ce qui était jusque là seulement évoqué par elle. L’énergie (de la nature, du travail, du désir ) entre dans le cadre et façonne jusqu’à la forme (la manière de peindre). « Vigoureuse », « énergique », « puissante » reviennent souvent sous la plume de Zola à propos de Courbet.

D. JEAN-FRANCOIS MILLET 1814 – 1875

C’est le peintre des hommes et de la terre. A la différence de LeNain, au XVII°, il les peint au travail. La peinture de Millet n’a sans doute pas la « puissance » de celle de Courbet. Elle peint la gravité de l’homme dont la couleur est celle de la terre. D’une terre qui n’est pas le support mais le milieu de son activité.



E. HONORE DAUMIER 1808 - 1879
Il est certes un immense caricaturiste ; mais il est aussi peintre. Millet était le peintre de la terre, de la campagne. Daumier est celui de la ville.



L’impressionnisme, étudiant la lumière qui éclaire les choses et les êtres plus que les choses et les êtres eux-mêmes, la révolution opérée par Manet avec son Olympia vont bientôt conduire la peinture dans une tout autre direction. La conduire à tourner le dos au « réel », la conduire vers l’abstraction. Le réalisme n’en renaîtra pas moins au XX° siècle, mais sous des formes diverses : l’Ash can School en Amérique au début du siècle, le Nouveau-Réalisme en France dans les années 60, l’Hyperréalisme aux Etats-Unis dans les années 70-80 et un nouveau réalisme américain dans les années 90 (avec Pearlstein) qui se continue aujourd’hui (Cefalo, Mencher, Lisbeth Firmin).Mais Le réalisme contemporain n’a plus rien à voir avec celui du XIX° siècle qui était porté par le naturalisme. Il « descend » de l’Ash can School et du Pop art. C’est un réalisme urbain. L’"optimisme énergétique" des naturalistes a disparu avec le rapport à la terre. Il est devenu objectif. A l’opposé d’un Courbet qui faisait entrer son énergie, son désir dans ses toiles, le réalisme du XX° s s’efforce au détachement pour tenter de saisir (n’est-ce pas un leurre dans le principe à moins que ladite réalité, comme semble le montrer le Pop Art ne réside que dans … des images ?) la « réalité » en elle-même.

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FIN DU COURS DE PREMIERE ANNEE






















1 commentaire:

  1. Merci bcp pour cette étude, courage et très bonne continuation, pour le bien de tout le monde.. Bravo pour votre action.

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