Léonard de Vinci

samedi 7 mars 2009

LE XVIII°S CHAPITRE 18 : LE GRAND STYLE, CHAPITRE 19 : ROCOCO, CHAPITRE 20 : LE GENRE MORALISANT

CHAPITRE 18 LA POURSUITE DU « GRAND STYLE » - CHAPITRE 19 LE ROCOCO - CHAPITRE 20 LE "GENRE MORALISANT"
Jacques ROUVEYROL

CHAPITRE 18 - LA POURSUITE DU « GRAND STYLE »

Le XVIII° siècle se définit pour l’essentiel par deux nouveaux courants : le Rococo et le Néoclassicisme. Pour autant, le XVII° classique et baroque ne disparaît pas et en tous cas pas immédiatement. Le « Grand Style » trouve à se continuer.

Avec Jouvenet (1644-1777), Jean Restout, ci-dessous, (1692 – 1768), Pierre Subleyras (1699 – 1749) et François Le Moyne (1688 - 1737), le XVII° baroque religieux et mythologique poursuit sa carrière au XVIII°. Mais, c’est justement cette peinture d’histoire, religieuse ou mythologique, baroque en tous cas, que va mettre en cause le courant Rococo dès le début du XVIII° siècle.


I. NAISSANCE DU ROCOCO

Le Rococo va naître du rapprochement de deux tendances :

1. Celle des partisans de la couleur en opposition aux partisans du dessin : rubénistes contre poussinistes (ou sensibilité contre rationalité).

2. De la tendance à une représentation de plus en plus fréquente du nu (féminin en particulier) dans les scènes mythologiques. (Voir Iconographie 4 : Scènes fréquentes aux XVI°, XVII°, XVIII°s et Iconographie 5 : Le Nu).
Exemple 1: Natoire Charles Joseph (1700 – 1777)



Exemple 2: Lagrenée Jean-François (1725 –1805)

Exemple 3: Deshays Jean-Baptiste (1729 – 1765)




Exemple 4 : De Troy Jean-François (1679 – 1752)




Et, en sculpture, Falconet Etienne-Maurice (1716 – 1791), Houdon Jean (1741 – 1826) ou Pajou Augustin (1730 - 1809).

II. LA SCENE DE GENRE

Dans les œuvres précédentes, la mythologie était plus un prétexte plus qu’un véritable sujet. Prétexte à peindre des scènes « légères ». La peinture d’histoire cède le pas à la scène de genre jusque-là réputée inférieure à la précédente et, en conséquence, moins bien rétribuée. Le XVIII° est le siècle de « l’esprit » (au sens de « avoir de l’esprit »). C’est aussi (même en raison de cela) le siècle du libertinage. Au moins dans sa première moitié. En littérature, cela donne : Casanova, Sade, Crébillon (Père & Fils), Rétif de la Bretonne, Diderot, Choderlos de Laclos. En peinture, cela donne : Watteau, Boucher, Fragonard. Sur le "marché", la commande privée justement motivée par la passion "particulière" qui favorise l'expansion d'une peinture et d'une sculpture du désir et, conséquemment le développement de la scène de genre, entre en concurrence avec la commande publique liée à une raison "générale" favorable à la peinture d'histoire.

1. La « Fête galante » : Jean-Antoine Watteau (1684 – 1721).
Watteau n’est pas à proprement parler un artiste rococo. mais sans le rococo (et la liberté que ce « style » a apporté à la peinture), il n’aurait pu exister. Il invente la fête galante c’est-à-dire un sujet libre des contraintes de la peinture d’histoire.



La composition de cet Embarquement pour Cythère est à rapprocher de celle du Jardin d’Amour de Rubens.



Dans les deux cas, l'œuvre met en scène (comme à l'époque médiévale ou certains tableaux maniéristes) une succession d'événements. De gauche à droite, chez Rubens, un homme "entreprend" une jeune femme qu'un Cupidon pousse à accepter. Les voici maintenant assis au sol la tête inclinée l'un vers l'autre : elle vient d'accepter. Les voila pour finir, à droite, qui reviennent d'un lieu isolé situé derrière une fontaine dédiée à Vénus : ils ont consommé. Le tableau de Watteau ne dit pas autre chose : à droite, près de l'autel dédié à Vénus, un couple devise en position très rapprochée. Puis, un peu plus à gauche il (sous la forme d'un autre couple, naturellement) se lève. Plus à gauche encore, debout, ils s'apprêtent à embarquer et la femme se retourne avec nostalgie. Car ce n'est pas pour Cythère dont les eaux ont vu naître Aphrodite qu'on embarque, en vérité, c'est de Cythère qu'on repart ... à regret.
On remarquera que très régulièrement les tableaux de Watteau s'inscrivent sous le signe de Vénus à laquelle est dédié un autel, inscription qui en dit l'atmosphère : légère voire libertine.

2. La Pastorale : François Boucher (1703 – 1770)

C’est à Boucher que revient plus particulièrement l’invention de ce qu’on a nommé le Rococo et, dans ce genre, la Pastorale.
Le Rococo c’est avant tout une peinture pour « voyeurs ». Le regard (désirant), celui des vieillards de Suzanne tient dans les scènes proposées une place prépondérante. Ainsi dans l’œuvre ci-dessous ou le pasteur galant et sa jolie bergère sont espionnés par un jeune homme qui se dérobe à leur vue:



Ainsi peut être surtout dans ce Bain de Diane d’où le « voyeur » Actéon n’est absent que parce que celui qui observe le tableau prend sa place et, par l’intermédiaire de la nymphe, s’offre le spectacle de ce que la cuisse gauche de Diane « cache » au regard immédiat. Avec Diane, Actéon est toujours là. S’il n’est pas sur la toile, il est devant la toile .C’est l’érotisme qui se laisse ici définir avec précision.
Dans sa partie supérieure (à la diagonale qui va du bas à gauche vers le haut à droite) , le tableau met en scène une nature luxuriante. Dans sa partie inférieure (droite) un luxe qui appartient à la culture (le vêtement, la «tenture »). La scène se situe donc entre nature et culture, dans ce moment (du déshabillage) ou, pour le dire exactement, la culture cède la place à la nature dans le comportement humain. La peinture rococo place le spectateur en position de voyeur. C’est la position d’Actéon.


3. Le libertinage Fragonard Jean-Honoré (1732 - 1806)

Tout ceci reste vrai du grand maître de la peinture libertine au XVIII° : Fragonard. A travers ses Curieuses, l’importance du regard est soulignée. C’est ce regard du voyeur que L’Escarpolette met en scène sur commande : le jeune amant observe se qui se cache sous les robes de la jeune femme que balance … le mari  !




Quant aux plis de la couche qui occupe la majeure partie du Verrou, il faudrait être aveugle pour n’y pas voir ce qui est l’objet du désir figuré par la pomme d’où paraît jaillir la lumière qui éclaire le couple : un sexe de femme peut-être plus offert encore que celui que peindra Courbet un siècle plus tard.




Le rococo est donc d’abord un art mis au service d’une recherche du plaisir.
La légèreté qui le caractérise du point de vue des mœurs se transcrit dans une grâce qui, à la différence de la grâce maniériste du XVI° siècle, trouve à s’exprimer spécialement dans une présentation voluptueuse, sensuelle du corps féminin et des thèmes liés à la question de l’amour.
En réaction à ce libertinage une tendance moralisante voit le jour, d’abord en Angleterre puis en France.

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CHAPITRE 20 - LE GENRE MORALISANT

A côté du ROCOCO qui axe la peinture sur la sensibilité, voire la sensualité, une exigence de moralisation se fait jour au XVIII° siècle qui va donner naissance à deux courants:

- La moralisation sentimentale (Greuze), appuyée sur la philosophie sensualiste et empiriste.
- La moralisation rationnelle (le Néo-classicisme), appuyée sur le retour à l’antiquité et la philosophie stoïcienne.
La Scène de genre tente de se hausser au niveau de la Peinture d’histoire en héroïsant ses sujets


1. En Angleterre: William Hogarth (1697 – 1764)

La morale anglaise, à la différence de la morale française fondée sur la sentimentalité, la subjectivité, se trouve centrée sur une exigence d’objectivité : le souci de la vérité.
C’est donc à une vérité physique et psychologique que prétend la peinture moralisante anglaise, satyrique.


Dans la série de six tableaux Un mariage à la mode, Hoghart dénonce une pratique qui tend à ruiner les capacités au bonheur des femmes et des hommes dont les rapports sont régis par les seuls intérêts de l'argent ou du prestige.
Ci-dessus, un jeune homme ruiné mais d'ascendance aristocratique (le père, à droite) déroule l'arbre de la généalogie familiale) est tenu d'épouser sous contrat (l'acte est donc commercial et symbolisé par un notaire) une jeune fille riche (dont le père dépose sur la table la confortable dot). Les jeunes gens se tournent le dos (le divorce est déjà consommé) et l'amant courtise déjà la belle. Celle-ci passe un tissus dans l'anneau du mariage, mais à ses pieds, traînant au sol, un chiffon dit assez la valeur de cet anneau. Le reste de la série des Mariages montre clairement les conséquences d'une telle "union".
Dans la série de six gravures, The Harlot’s progress (La Vie d’une prostituée) Hoghart dénonce (comme La Paysanne pervertie de Restif de la Bretonne) les travers d’une société hypocrite finalement tournée vers l’argent, le crime et la luxure.
Dans une troisième série, L’Opéra des Gueux, le même système descriptif des aberrations d’un système social est mis en place ; la même duplicité, la même hypocrisie sont dénoncées. Ainsi Macheath, le brigand, est condamné à mort pour crime de bigamie par le Duc de Bolton qui a femme et maîtresse.

2. En France : Jean-Baptiste Greuze (1725 – 1805)

Ainsi la peinture raconte-t-elle des histoires. Pour dévoiler les travers de la société (Angleterre) ou des histoires édifiantes (France) sous forme d’allégories ou de « morales ».
Lorsque Greuze peint La Piété filiale (Un paralytique soigné par sa famille ou Le Fruit de la bonne Education) 1763 il entend éduquer son spectateur, l’édifier, lui montrer, en l’occurrence, les bienfaits d’une bonne éducation.
Et lorsque, dans L’Accordée de Village , il peint à son tour une scène de mariage, il décrit tous les bons sentiments qu’une pratique honnête peut engendrer. La façon dont la main de la jeune fiancée s’approche de celle du jeune homme dit l’union quand les fiancées de Hogarth se tournaient le dos. Les bras ouverts du père donnant sa fille à ce garçon sont en contraste total avec le geste de prendre qui est celui du personnage de droite du tableau de Hoghart.


Puis c’est une histoire en deux tableaux : celle du Fils ingrat qui abandonne sa famille pour courir le monde et celui du Fils puni qui revient et retrouve la famille ravagée par la mort du père. L’ingratitude ne paye pas !
Là où Horgarth décrivait, orientait le regard de son spectateur vers la tare, Greuze donne des leçons. C’est la manière française.

3. Mais, la sensualité Rococo vient se glisser jusque dans ces œuvres moralisantes de telle sorte qu’on peut dire que la tentative qu’elles représentaient de passer d’une peinture de genre sans valeur (purement décorative ou propre à flatter la seule sensualité) à une peinture de genre au moins héroïque dont la valeur serait comparable à celle, toujours enviée, de la peinture d’histoire, cette tentative est un échec.

Sans doute la jeune fille est-elle en prière dans cette Prière du Matin de Greuze. Mais le regard est d’abord attiré (cela est composé pour) par l’épaule charnue et charmante négligemment dévoilée.
*
La « réaction » au sensualisme du Rococo passe donc par la tentative d’élever la scène de genre à un certain niveau de spiritualité qui se traduit par la moralisation des œuvres. Qui échoue.
Une autre tentative passe par l’idéalisation de la nature morte. L’idée n’est pas nouvelle. La peinture hollandaise du XVII° siècle avait utilisé la nature morte à des fins moralisatrices. Le XVIII° ira plus loin, notamment avec Chardin.

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