Léonard de Vinci

samedi 7 mars 2009

LE XVIII°S CHAPITRE 21 : LA NATURE MORTE, CHAPITRES 22 & 23: LE NEOCLASSIQUE

CHAPITRE 21 LA NATURE MORTE
CHAPITRES 22 & 23 LE NEOCLASSICISME.
Jacques ROUVEYROL


CHAPITRE 21 LA NATURE MORTE (et la scène de genre).

Dans le style du XVII° avec Delaporte, Desportes, Oudry, la nature morte poursuit sa tradition. Peinture de virtuose, peinture décorative, genre mineur, elle n’apporte avec elle aucun "esprit". Il faut attendre Chardin pour que le genre se hausse à un niveau de spiritualité dont la nature morte hollandaise du XVII° est une préfiguration.

1. Ce dont il s’agit d’abord, c’est moins de représenter les choses que de restituer leur présence par la suggestion de leur matérialité. La Pipe de Chardin ne met en scène aucun objet extraordinaire, précieux, «décoratif ». Seulement une présence. Celle des choses non pas exposées, mais posées-là ; celle de leur utilisateur. Le rendu de la maniabilité des objets suggère la main qui en fait usage et les a abandonnés-là pour un moment.
2. Le rococo installe ses scènes dans l’instant, celui du plaisir, de la découverte par le regard d’un spectacle sensuel, érotique. Chardin, à l’opposé, recherche l’intemporel. Cette Femme tirant de l’eau à la fontaine répète un geste ancestral d’une façon tellement immédiate, irréfléchie, qu’elle se trouve tout-entière prise dans ce geste en sorte que son existence, à elle, rejoint l’intemporalité de l’existence de ce geste.




3. A l’opposé du rococo, c’est simplicité, humilité, rigueur, économie des moyens utilisés. Ce verre d’eau, le broc et les aulx qui l’accompagnent, cette table de bois grossier et ce fond de mur sans parement, il n’y a là rien de superflu, rien d’accidentel : tout est essentiel. C’est la nature-même des choses qui est peinte.

4. Et il en va des êtres humains comme des choses : ils sont concentrés. Pas de distraction qui les dissocierait d’eux-mêmes (le costume, l’attitude, les conventions, les convenances). Alors, l’absorption du personnage dans son occupation le fait échapper au spectateur et lui confère une existence intérieure, une intensité de présence. On retrouvera quelque chose d'analogue chez un peintre du XXème : Hopper. A l’opposé des personnages théâtraux de Greuze ou « superficiels » de Boucher. A l’instar de La Dentellière de Wermeer, le jeune homme est entièrement concentré sur une tâche et une seule : le taillage de son crayon. Il en acquiert une « épaisseur » d’autant plus grande qu’il demeure plus impénétrable au visiteur que nous sommes dont il ignore absolument l’existence.

5. Ce qui se retrouve alors, c’est la sérénité parfaite déjà rencontrée dans la peinture hollandaise des De Hooch, par exemple, de ces femmes qui, dans l’intérieur de leurs maison rangées lisent ou épluchent des pommes de terre. Comme cette femme de Chardin.

6. Il ne s’agit donc pas tant de représenter la réalité que de la re-constituer. Il ne s’agit pas tant de rendre les formes des objets que l’on peint que de de rendre leur matière. "On n'entend rien à cette magie... Approchez vous, tout se brouille, s'aplatit et disparaît ; éloignez-vous, tout se crée et se reproduit" écrivait Diderot à propos des œuvres de Chardin

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Ainsi, avec le Rococo, la peinture d’histoire est passée au second plan, derrière une scène de genre frivole et légère. La moralisation de la scène de genre (Hoghart, Greuze) échoue à élever la peinture vers l’idéal. C’est la nature morte et le « retour » de la scène de genre de type hollandais du XVII° qui parvient paradoxalement à réaliser cette élévation.
Mais la peinture d’histoire est toujours au second plan. Le néoclassicisme va s’efforcer de la rétablir à la première place.

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CHAPITRE 22 - LE NEOCLASSICISME OU « LE VRAI STYLE » : PEINTURE ET SCULPTURE.


I. INTRODUCTION

1. On a vu la scène de genre échouer dans sa tentative d’héroïsation. D’abord parce que le sensualisme rococo la pénètre de toutes parts. Ensuite parce que la dramatisation des sujets (Le fils ingrat et Le fils puni de Greuze, par exemple) ne suffit pas à rejoindre les valeurs « aristocratiques » de la peinture d’histoire. Entre la mort du père de famille et celle d’Hector, il y a un monde, un abîme.

2. Paradoxalement, c’est le genre inférieur de la nature morte qui parvient à un degré d’idéalisation qui lui confère une noblesse comparable à celle de la peinture d’histoire. Mais seulement avec Chardin.

3. Par ailleurs, le goût « historique » trouve à se renforcer des fouilles effectuées à Pompéi et Herculanum ; fouilles qui amènent Rome au premier plan. Du recours à cette antiquité et en réaction au sensualisme jugé décadent du Rococo, un nouveau courant va naître : le néoclassicisme (ou Le "Vrai Style")

4. Pourtant, dans un premier temps, la mode de l’antique se marie avec le Rococo. C’est moins l’histoire qui inspire que le décor et le costume. Ainsi de ces Jeunes grecques parant l’Amour de Vien.



Quelquefois, c’est aussi le thème, pourvu qu’il ait quelque chose d’érotique. Une peinture de Vien La Marchande d’Amours, inspirée d’une fresque romaine, reçoit dans un de ses détails, une modification significative (ci-dessous).



II. LE RETOUR A LA PEINTURE D’HISTOIRE.

1. L’inspiration antique : la statuaire.

a. Winckelmann, un allemand, est le théoricien du néoclassicisme. Il faut partir selon lui de deux découvertes parfaitement exemplaires : L’Apollon du Belvédère (vers 350 av JC) et le Laocoon (vers 25 av JC).

--> L’Apollon : Il est de marbre, un matériau qui moins qu'une autre pierre ou que du bois laisse apercevoir sa constitution ; un matériau qui s'efface devant la forme que le sculpteur lui donne. C'est le triomphe de l’idée pure sur la matière. Son regard se porte vers l’infini, signifiant qu'il n'y a rien dans ce monde qui mérite qu'on s'y arrête. Il est impassible, où se manifeste la maîtrise du sentiment par l’esprit. Mais, cet idéal est aujourd’hui perdu.

---> Le Laocoon : C'est la lutte, pas la souffrance. La maîtrise de l’esprit sur le corps. L’idéal stoïcien. Laocoon, mordu par le serpent (on suit presque le trajet du venin dans les veines et la succession des muscles qui se tétanisent) éprouve sans doute une douleur effroyable, mais que son esprit, à la manière stoïcienne, domine entièrement. Que puis-je, demande le philosophe, contre la douleur ? Suis-je maître de ce qui m'arrive (du dehors, puisque ça m'arrive ) ? Et d'ailleurs, cela me concerne-t-il ? Je ne suis que cet esprit qui accepte ou refuse ce qui m'arrive, justement. Et ce corps qui est le mien est quelque chose qui m'est arrivé, qui n'est pas moi véritablement. En conséquence de quoi je suis détaché de cette douleur : j'ai mal mais je ne souffre pas. La douleur n'est pas la souffrance.

b. L’idéal perdu doit être retrouvé… dans l’art. Mais l’art contemporain (XVIII°) n’est pas l’art grec. Il ne saurait rivaliser avec lui. Il doit s’en éloigner le moins possible. Comment?

--> D’abord, il ne faut pas imiter la nature. Le caravagisme est un désastre. La nature n’est plus belle ; aujourd’hui, elle est corrompue. En Grèce l’homme était naturellement beau et le sculpteur n'avait qu'à se rendre sur le stade ou au gymnase pour rencontrer ses modèles. Comment retrouver cette beauté ?

- Par l’imitation synthèse, chère à Zeuxis ou pratiquée par Raphaël : emprunter ici et là des fragments de beauté et les rassembler pour créer une beauté complète.

- Par l’idéalisation. La peinture de la Renaissance, déjà, remodelait le naturel selon les canons de la beauté. Elle idéalisait les êtres naturels, en faisait des apparitions selon les termes de Malraux.

- Par l’imitation de la statuaire grecque.

c. La statue grecque imite la (belle) nature (perdue). Le peintre devra imiter les statues antiques. Le corps de l’athlète, le profil grec, les pauses.

d. Quelles sont, alors, les caractères (recensés par Winckelmann) de la beauté grecque ?

- La belle nature, illustrée par les statues de Phidias, Praxitèle ou Polyclète.

- Le noble contour du déhanché de la sculpture grecque classique.

- La draperie diaphane ou le pli mouillé qui souligne les formes.

- La grandeur calme. Celle de Laocoon. Tous les muscles sont tendus, tétanisés par le progrès du venin dans les veines, mais la bouche ne crie pas et le visage n’exprime pas la souffrance mais la détermination. Le triomphe de l’esprit sur le corps.

--> C’est cette beauté qu’il faut imiter. Imiter et non copier. C’est-à-dire produire, à partir de la nature, une beauté qui soit supérieure à la nature.

e. Il n’y en a pas moins des anomalies dans le néoclassicisme. Les Parques de Carstens, à l’inverse de Laocoon, crient et la maîtrise stoïcienne est perdue.



2. L’inspiration antique : l’héroïsme.

Deux modèles rivalisent en Grèce. Alexandre, le conquérant qui s’assure la maîtrise du monde. Le stoïcien (Marc-Aurèle était empereur aussi et stoïcien) qui s’assure la maîtrise de soi. Le héros néoclassique est le second (il deviendra le premier, au moment de son déclin, avec le culte de napoléon). Il résulte de ce modèle que la mort (en tant qu’elle est ce qui nous inspire la plus grande et la plus irrationnelle des craintes, cela donc sur quoi notre maîtrise doit d’abord et surtout s’exercer) sera l’un des thèmes dominants de la peinture néoclassique.

a. La mort comme moyen de réaffirmer la fidélité matrimoniale contre le libertinage Rococo : l’épouse fidèle, la veuve éplorée. Ainsi Andromède pleure-t-elle Hector (David).

b. La mort du héros.

--> Du héros de la connaissance : Socrate, Sénèque, Léonard de Vinci, etc.

--> Du héros militaire : Achille, Pallas, Hector, etc.

--> Du héros républicain, surtout : Caton, Caillus Gracchus, Bara, le général Wolfe et surtout Marat (David).

Il est intéressant de noter (on le fera un peu plus loin) ce qui rapproche et ce qui éloigne cette peinture de Marat de la peinture du XVeme siècle.

c. Mais, il y a aussi le héros stoïque qui affronte la mort non pour lui-même mais, pire encore, pour ses proches. David peint ainsi Les Licteurs rapportant à Brutus le corps de ses fils qu’il a lui-même fait exécuter pour trahison. Et, tandis que les femmes se lamentent et cèdent à la passion du désespoir, Brutus reste maître de sa souffrance et assure le triomphe de la raison sur lesdites passions.



Même chose pour Guérin qui peint Le retour de Marcus Sextus qui retrouve morte son épouse mais sur le visage duquel rien ne se lit d’une douleur qu’il ne subit pas puisqu’il la maîtrise. Douleur qui s'indique pourtant dans la composition du tableau par la croix formée par le corps horizontal de la morte et celui vertical de Marcus Sextus.



III. JACQUES-LOUIS DAVID (1748 – 1825)

Il est le chef de file des néoclassiques et assurément le meilleur représentant de ce courant. En comparant le manifeste que représente Le Serment des Horace 1784 avec les œuvres rococo de Fragonard, de Watteau ou de Boucher, on peut caractériser le « vrai style ».

--> Il impose la règle là où régnait la licence (le tableau est composé de verticales et d’horizontales. Pas de courbes ou de sinuosités. Tout est droit).

--> Il impose la rigueur là où régnait le luxe (pas de décor somptueux, de costume chatoyants, mais une sévérité généralisée

.-->; Il impose la vertu là où régnait la sensualité (rien chez les femmes, à droite, qui puisse éveiller le désir comme chez Boucher voire même chez Greuze. Seule la vertu héroïque des trois frères est mise en évidence).

-->; Il impose la vérité là où régnait la virtuosité (la virtuosité est trompeuse ; elle fait admirer le geste de l’artiste et oublier ce que l’œuvre produite par ce geste représente. On admirera la qualité, le soyeux des tissus peints par un Watteau et l’on oubliera l’invite à une fête des sens à laquelle le tableau procède).

--> Il oppose la simplicité au fini (il suffit que la tunique soit une tunique et que quelques traits en marquent les plis. Le Rococo exigeait davantage : la multitude des nuances et des mouvements d’une draperie).

--> Il oppose une palette restreinte à la palette riche du rococo.

--> Il oppose encore à la profondeur qui, depuis la Renaissance, habite la peinture, la frontalité ou la surface (le point de fuite dans Le Serment des Horace est en avant : sur la lame des épées. Le décor des colonnes et des arcs en plein cintre est juste derrière les personnages. On a l’’impression d’une frise. Idem dans Les Licteurs rapportant à Brutus le corps de ses fils).

--> Si l’œuvre rococo relève de la commande privée (l’érotisme des œuvres fait qu’elles ne conviennent certainement pas à tous les publics), l’œuvre néoclassique relève de la commande publique (l'héroïsme des œuvres vaut justement pour tout public).

--> D’ailleurs, ce sont les vertus publiques qu’elle prône (l’héroïsme) alors que les œuvres sinon rococo du moins moralisantes (Greuze, par exemple) mettent en scène des vertus privées (comme la piété filiale ou la fidélité conjugale). La référence est Rome, bien sûr. A travers Tacite mais aussi des tragédiens du siècle passé : Corneille, Racine qui ont ceci en commun que toutes leurs tragédies s'articulent autour de l'opposition public/privé. Le choix est toujours entre servir sa gloire, le trône, l'Etat ou être asservi à ses sentiments, ses passions : amour ou amitié. Souvent l'homme choisira le public tandis que la femme penchera et intriguera pour le privé.
Une autre œuvre de David exprime toutes ces caractéristiques à la perfection. C’est Marat assassiné (voir plus haut).Simplicité, rigueur, sévérité, frontalité. Tout y est. Mais surtout une opposition haut/bas très remarquable. En haut … rien. Le fond n’est pas même un mur (à la Chardin). Rien. A la différence de ces Christ de pitié du XV° siècle dont David s’est sans doute inspiré (où l’on voit le Christ, le corps à-demi émergé d’un tombeau, mort mais montrant ses plaies et les yeux entr’ouverts et soutenu par des anges) il n’y a pas de Ciel pour assurer à cet homme l’immortalité et, en conséquence, la qualité de héros. Il faut donc, en bas, que quelque chose compense. C’est le « A Marat, David » inscrit sur la caisse qui sert d’écritoire à Marat. Que signifie-t-il ? C’est un monument : en mémoire de Marat. L’immortalité (qui fait le héros) ne passe plus par le Ciel mais par la mémoire des hommes à qui David confie Marat.

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CHAPITRE 23 : LE NEOCLASSICISME OU « LE VRAI STYLE » : ARCHITECTURE.

I. EN REACTION CONTRE LE ROCOCO

L’architecture rococo, c’est la courbe (baroque exacerbée) et l’ornement. L’architecture néoclassique, c’est la droite (grecque ou romaine) et la simplicité. Témoin le contraste entre ce Monastère de Melk, sur le Danube (1702) et l’église de la Madeleine à Paris (1806).



II. LES MODELES

Le néoclassicisme cherche ses modèles dans l’antiquité, évidemment. Mais cette antiquité se laisse atteindre de deux façons :

1. Directement. C’est alors le temple grec ou romain. Témoins l’église de la Madeleine ou le Palais Brongniart (la Bourse de Paris) commencé en 1806.



2. Indirectement. C’est alors la villa renaissance. C’est que la Renaissance était déjà un retour à l’antiquité.



III. L’IDEAL GEOMETRIQUE.

Caractéristique, semble-t-il du néoclassicisme (et, on le verra bientôt, de l’usage qui en fut fait par les régimes totalitaires, nazi et soviétique), il y a beaucoup plus de projets (grandioses) que de réalisations. effectives. Et, dans tous ces projets, la simplicité de la figure géométrique.

1. Etienne Louis Boullée (1728-1799)

La plus spectaculaire de ses inventions est sans doute le Projet de Cénotaphe pour Isaac Newton 1784 dont la sphère percée de trous et plongée le jour dans l’obscurité à l’exception de la lumière entrant par ces trous devait représenter un ciel étoilé tandis que la nuit, un éclairage interne devait figurer le système solaire.


Mais il faut ajouter un Dessin pour l’entrée d’un cimetière , un Dessin pour la porte d’une ville, celui d’une Bibliothèque idéale, et d’autres encore.

2. Claude Nicolas Ledoux (1736-1806)

De nombreux projets géométriques d’une architecture intégrée à l’environnement naturel et intégrant des préoccupations fonctionnelles : Maison de gardes agricoles, maison de bûcherons, etc. On lui doit le beau Pavillon d’octroi de la Villette.


3. Dans la réalité, on est plus « modéré ». Le géométrisme pur le cède aux exigences du particulier qui a encore du goût pour les "manières" du siècle. Témoin l’Hôtel de Salm à Paris, par Pierre Rousseau.



III. L’EVOLUTION FIN DE SIECLE

A la fin du siècle, le néoclassicisme évolue dans trois directions : le purisme archéologique, bien représenté par la Porte de Brandebourg à Berlin ; l’abstraction, illustrée par le Pavillon d’octroi de La Villette , de Ledoux qui ne connaît que le cercle et la droite ; l’exotisme, enfin mais qui représente une « décadence » du mouvement. Témoins, Las Vegas (moins les casinos) avant la lettre, les curieux Jardins de Kew dans lesquels des architectures du monde entier (pagode, mosquée, etc.) des trouvaient réunies.

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